Les industries du bois sont souvent considérées comme l’ennemi des forêts. Mais chaque secteur est censé être responsable d’une part inégale de nuisance. La moindre revient aux scieries, que l’on pardonne volontiers pour leur production qui laisse le bois dans un état proche de la nature. A l’autre bout de la chaîne, les papetiers sont les plus mal considérées. Pourtant, le cliché « une édition de journal, une forêt dévastée » est contredit par les chiffres. L’édition d’un grand quotidien permet, au moins en Europe, d’éclaircir et de façonner quatre hectares par jour, soit quelque 1200 hectares l’an.
Elle contribue ainsi à permettre les interventions indispensables
au maintien des futaies de demain avec, comme conséquence immédiate,
le maintien d’une centaine d’emplois ; « Mon cœur
saigne chaque fois que j’écris, a confessé Marguerite
Yourcenar, car je pense aux forêts qu’il faudra abattre
pour en faire le papier ». La réalité est moins
tragique et, ce qui était vrai il y quelques années en
Amérique du nord où vivait Marguerite Yourcenar, où l’on
ne replantait pas les forêts abattues, ne l’a jamais été
en Europe où le bois exploité pour le papier est au contraire
le garant de l’essor harmonieux et durable des boisements.
Le recyclage des papiers, indispensable aux grands équilibres écologiques
et économiques, est souvent présenté à tort
comme la panacée contre la déforestation. Il n’apporte
pourtant rien aux forêts. Penser que « récupérer
une tonne de vieux papiers sauve quinze arbres » est un leurre
; prétendre qu’ « écrire sur du papier recyclé sauve
la forêt » revient à méconnaître les
conditions élémentaires de vie d’un boisement.
Le bois utilisé en papeterie provient en Europe des bois d’éclaircies
et des parties de grumes inutilisées par le scieur. Le cycle
forestier ne peut se passer des bois d’éclaircie. Au fil
de la pousse des plantations, il est vital de couper une partie des
sujets pour laisser aux autres la chance de se développer. Les
forestiers sont des sélectionneurs d’avenir. Ils repèrent,
parmi chaque peuplement, les sujets dominés, les plus malingres
qui ont laissé leurs proches voisins prendre le dessus. Les « dominés » ne
deviendront jamais de beaux arbres. Les maintenir créerait une
concurrence inutile aux dominants en affaiblissant leur croissance.
Aussi convient-il de les éliminer. Leur sort épouse celui
des arbres mal conformés dont on devine qu’ils ne pourront
pas être valorisés en bois d’œuvre. Leur suppression
conditionne l’épanouissement progressif des plus beaux
sujets.